« Prendre acte de la créativité langagière des enfants Sourds » (ASH, 24/06/2016)

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A la suite de la parution du courrier critique de Jean Clarisse, directeur de l’institut national des jeunes sourds de Chambéry (1), le psychanalyste André Meynard a souhaité apporter certaines précisions sur les thèses qu’il défend dans son ouvrage (2). Il souligne, notamment, qu’il n’oppose en rien langue de signes française (LSF) et langue vocale.
« Pour aller à l’essentiel et loin de toute polémique, l’important est de comprendre pourquoi la LSF n’est toujours pas une véritable langue d’enseignement pour les enfants Sourds, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays. C’est notamment à cette question que mon ouvrage répond. D’une part, à partir de ce que ces sujets m’ont enseigné de leur désir de parler avec les mains et d’entendre avec les yeux. D’autre part, en analysant le plus précisément possible les logiques des dispositifs d’accueil et de soin cherchant à sonoriser l’enfant Sourd tout en l’écartant le plus possible de la LSF ! Car, contrairement à ce que laisse entendre ce courrier, il suffit de lire mon introduction pour percevoir que, loin de les opposer, je considère que les langues signées parlées précocement sont de nature à “dynamiser l’ensemble du potentiel langagier écrit ou vocal de ces sujets”(3). En revanche, je cite très précisément les auteurs qui ont fait de la surdité la sixième des maladies néonatales (dite « surdité permanente néonatale ») dans notre pays. Je développe dans le détail cette fabrique de la surdité comme posant un“problème de santé publique important”(4) ! Ce dépistage à deux jours mérite d’être questionné puisqu’il faut attendre au moins le troisième mois de vie pour affirmer une surdité. Il s’agit en fait non seulement de “dépister” mais surtout d’aiguiller vers des filières de soin par le son. Je démontre, citations à l’appui, que ce sont bien de tels abords scientistes qui continuent à opposer langue vocale et LSF. Non seulement dans leurs discours mais dans leurs actes ! Ces mêmes abords prétendent indûment qu’en cas de pose d’un implant cochléaire, les familles ne doivent pas s’engager dans la LSF(5) car cela freinerait la “maturation du cortex auditif”. Les mêmes aussi qui se permettent d’écrire que deux heures par semaine de LSF sont suffisantes pour que les enfants Sourds soient “inclus” dans des dispositifs éducatifs en “milieu ordinaire”. Ici, au-delà d’un vernis politiquement correct, la LSF parlée précocement est en fait considérée comme nocive pour l’enfant Sourd. L’approche de la LSF suppose des investissements de temps et d’argent conséquents. Les parents ne sont pas soutenus dans ce trajet et ils sont même sommés de choisir un “projet éducatif” entre une approche audio-phonatoire ou visuo-gestuelle alors même que les conditions d’un libre choix éclairé ne sont pas remplies. Pourquoi, sinon, dans d’autres pays les parents demandent-ils si fréquemment à apprendre les langues signées ? Tout cela est référencé dans mon ouvrage comme dans ceux qui précèdent ! Est-ce le rappel de ces références qui est si gênant pour ceux qui confondent indûment le langage et le son ? Le cerveau des Sourds signant serait-il moins “vivifié” que le nôtre ? Signer, faut-il le rappeler, c’est parler ! Sauf à prétendre rayer de la carte des parlants tous ceux qui signent, force est de reconnaître que les Sourds sont bel et bien inscrits en langage hors le son ! Les 11 000 signataires de la Charte LSF et enfance Sourde (6) élaborée par plusieurs associations représentatives demandant notamment la mise en place d’un véritable enseignement en LSF posent de vraies questions. Le Comité consultatif national d’éthique n’a rien d’archaïque quand il recommande, à la suite de Françoise Dolto et de bien d’autres, la pratique précoce de la LSF pour tous les enfants Sourds de notre pays. Quand il s’oppose au dépistage systématique de la surdité dans son avis 103. Au-delà de ce courrier, c’est tout un courant d’opinion qui idéalise le son et colporte de fausses vérités pour le prétendu « bien » des enfants Sourds, qui sort ici de l’ombre. Plutôt que de prétendre soigner les enfants Sourds, mon ouvrage propose de les entendre en prenant enfin acte de toute l’originalité de leur créativité langagière. »
NOTES
(1) Voir ASH n° 2963 du 3-06-16, p. 19.
(2) Des mains pour parler, des yeux pour entendre -Ed. érès, 2016 – Voir ASH n° 2959 du 6-05-16, p. 31.
(3) Op. cit., p. 8.
(4) Evaluation clinique et économique : dépistage néonatal de la surdité permanente par les otoemissions acoustiques
 – Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, 1999, p. 28.
(5) Cf. notamment les propos des experts du son tenus dans le documentaire « Ces sourds qui ne veulent pas entendre » – Angélique Del Rey et Sarah Massiah – 2012.
(6) Charte dite en LSF par Emmanuelle Laborit – https ://goo.gl/khLsRo.

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